« Chervin, t’es foutu, les Conti sont dans la rue ».
Didier Chervin a fait son apparition à la sous-préfecture de Guebwiller, hier, pour tenter d’expliquer les difficultés de son entreprise. Auparavant, les salariés de Continental Biscuits ont exprimé leur ressentiment dans les rues de Guebwiller.
C’était leur première manifestation. Un peu désorganisés, les salariés de Continental Biscuits, à Buhl, n’en étaient pas moins motivés, hier, dans les rues de Guebwiller, pour dénoncer l’attitude de leur p.-d.g., Didier Chervin, silencieux depuis plusieurs semaines alors que l’entreprise ne tourne plus depuis le 24 novembre dernier .
Après l’occupation de leur usine de Buhl, les salariés de Continental Biscuits ont manifesté hier, dans les rues de Guebwiller. Si leurs salaires vont être versés rapidement, la pérennité de l’entreprise, elle, est loin d’être garantie.« Chanceux », les passants et les automobilistes qui se trouvaient sur le parcours de la manifestation hier, à Guebwiller. Car c’est de bon cœur, pour les sensibiliser à la situation incompréhensible qu’ils vivent depuis plus de deux mois, que les salariés de Continental Biscuits leur ont distribué les derniers paquets de gâteaux produits dans l’usine buhloise.
Encore des commandes
Outre les 35 salariés de Continental Biscuits, quelques employés de l’entreprise Basté, à Stosswihr, et une salariée de la société Rollbren, dans l’Aisne, ont pris part au cortège. « À l’heure actuelle, nous avons encore 42 camions en commande pour des biscuits fourrés, mais les clients n’arrivent pas à joindre notre p.-d.g. et nous, nous ne savons pas quoi leur dire », explique une des employées du service commercial de Basté, où l’électricité et le téléphone ont été coupés il y a une dizaine de jours. « Avant, il pouvait cacher la situation, mais il a été pris au dépourvu par Edf et par Caléo », estime une autre.
Devant la sous-préfecture de Guebwiller, les langues se délient. Les salariés comparent la situation d’un site à l’autre. « À Continental, il est arrivé que l’on reçoive nos salaires en deux fois, par chèque, parfois sans provision. » « À Rollbren, la prime était indiquée sur la fiche de paie mais elle n’était jamais versée. »
Puis, ils l’ont vu. Didier Chervin, leur patron. Personne n’osait croire qu’il viendrait à la table ronde organisée hier après-midi à la sous-préfecture de Guebwiller. Pas plus les salariés que les représentants des pouvoirs publics d’ailleurs. Arrivé en toute discrétion par l’arrière du bâtiment avec sa sœur, Colette Chervin, son avocat et son expert-comptable, il n’a pas échappé aux huées et aux insultes.
Un problème de liquidités
Pendant presque deux heures, il s’est expliqué devant les élus et les acteurs économiques, tentant de convaincre de sa bonne foi. « Nous ne subissons pas la crise économique, mais la crise financière, a-t-il résumé. Nous n’avons pas de problème de rentabilité, mais de liquidités. » Autrement dit, ce sont les banques qui ne suivent plus. « Nous avons besoin d’un fonds de roulement de 750 000 € pour l’ensemble du groupe Mondial Biscuits. Il a été accordé par les banques mais pas honoré », poursuit Didier Chervin. « Aujourd’hui, nous avons une usine qui est structurée et nous avons des commandes. L’activité pourrait reprendre très vite », a-t-il également indiqué.
Invoquant des problèmes de trésorerie et de liquidités — « les banques n’ont pas respecté leurs engagements » — mais un peu moins ses nombreuses créances, le chef d’entreprise a assuré que les fonds allaient être débloqués au courant de la semaine pour payer la prime de fin novembre ainsi que les salaires de décembre et janvier.
Chômage partiel
Une demande de plan de sauvegarde devrait également être déposée aujourd’hui, auprès du tribunal de commerce, afin qu’un mandataire soit désigné, examine le passif du groupe Mondial Biscuits (auquel appartiennent, entre autres, Continental Biscuits à Buhl et Basté à Stosswihr) et décide ou non de la poursuite d’activité.
Alors que des commandes de biscuits arrivent encore, une mesure de chômage partiel va être mise en place pour le mois de février et rien ne permet de savoir si les salariés pourront reprendre un jour le travail.
Faut-il croire à ces promesses ? Affaire à suivre.
Dépollution : Le piège du Hammer à Munster
Didier Chervin n’est pas seulement à la tête de plusieurs biscuiteries. Il possède également plusieurs SCI, des sociétés civiles immobilières. Via l’une d’elles, la SCI Bergsol, et parallèlement au rachat de Biscuidor, il s’est porté acquéreur des anciens bâtiments de la société Hartmann, dans lesquels étaient entreposés des déchets hospitaliers. L’objectif était de tout dépolluer, de démolir et de réaffecter le site. Une opération qui devait être rentable.
« Quand il a acheté le site, c’était en connaissance de cause », reconnaît Pierre Dischinger, maire de Munster. Mais de préciser aussitôt : « Seulement, le volume des déchets avait été évalué à près de 400 tonnes. Or, il y en a au moins deux fois plus. Et leur qualité n’est pas celle annoncée au départ. » Malgré tout, en 2008, Didier Chervin s’est attelé à sa tâche.
« Il a fait du très bon boulot pendant six mois. Il a respecté la traçabilité dans l’élimination des déchets. Ce sont ainsi entre 200 et 220 tonnes qui ont été traitées, de même que 8 transformateurs au pyralène », précise le premier magistrat de Munster. Seulement cette « bonne volonté », selon les mots de Pierre Dischinger, a été stoppée par une visite de l’inspection du travail : « À raison, sûrement, ils ont arrêté le chantier dans l’heure. »
Et depuis ? Plus rien. Le maire de Munster pense que l’entrepreneur, qui travaillait sous le regard de la préfecture, a été quelque peu vexé par cette décision d’arrêt. « L’administration aurait peut-être pu le rencontrer et lui expliquer comment poursuivre dans les règles son travail… », avance-t-il avant de préciser que sa collectivité a toujours entretenu de bonnes relations avec Didier Chervin : « Nous avons toujours essayé de l’accompagner. »
Le permis de démolir obtenu à l’origine par Didier Chervin court jusqu’à la fin du mois de février. Or, sans dépollution, pas de démolition possible et donc pas de réaffectation des lieux. À Munster, les élus regrettent cet arrêt. « En se portant acquéreur du Hammer, il nous ôtait une belle épine du pied… », concède un adjoint. Maintenant, tous s’interrogent sur la capacité de l’entrepreneur de poursuivre ce travail de titan.
(Source L'Alsace)
http://alsace.france3.fr/info/haute-alsace/B%C3%BChl-:-l-usine-Continental-biscuits-occup%C3%A9e-60798863.html?onglet=videos&id-video=000093689_CAPP_BuhllusineContinentalbiscuitsoccupe_080220101234_F3
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