Il veut montrer l’exemple à ceux qui s’estiment, comme il l’a été, victimes d’erreurs médicales tragiques : un couple de Buhl a gagné son procès contre l’hôpital Pasteur, à Colmar, à la suite du décès de son bébé, trois jours après un accouchement difficile.
« Les gens n’osent pas », remarque Elisa Beardmore, dont le bébé est décédé trois jours après sa naissance au Parc, à l’hôpital Pasteur de Colmar, en 2005. On ose rarement porter plainte contre un hôpital… Elisa et Neil Beardmore, habitant à Buhl, l’ont fait en 2006, soupçonnant une erreur au moment de l’accouchement. En novembre 2011, le tribunal administratif de Strasbourg leur a rendu justice en reconnaissant la responsabilité des Hôpitaux civils de Colmar.
Admise le 27 août 2005 à l’hôpital après la rupture de la poche des eaux, Elisa Beardmore n’a donné naissance à un fils par césarienne que le 29 août à 0 h 40. « Avec la première sage-femme, tout s’était très bien passé. En partant à 20 h, elle m’avait assuré que tout allait bien et que le bébé serait bientôt là. Mais à l’arrivée de sa remplaçante, j’ai éprouvé un malaise, un changement d’atmosphère », se souvient Elisa Beardmore. Le bébé tarde à venir, la parturiente « sent » un problème, mais il faut attendre passé minuit pour que la sage-femme se décide enfin à alerter le médecin qui déclenche l’accouchement. Le bébé, Émile, décède trois jours plus tard.
« Un mois plus tard, lors d’un debriefing à l’hôpital avec le chef de service, on nous a dit qu’il n’y avait pas eu de problème. Pour l’hôpital, c’était un accident de parcours », encaisse Elisa Beardmore. Son mari a bien essayé de rencontrer la sage-femme en charge de son épouse peu avant l’accouchement, « pour essayer de comprendre pourquoi elle n’avait pas voulu alerter le médecin plus tôt », mais en vain.
Très bien encadrés par le psychologue de l’hôpital, tiennent-ils à souligner, les époux Beardmore ont également été soutenus par leurs proches. Selon un médecin de sa famille, la jeune femme était restée en travail trop longtemps, ce qui confirmait son sentiment de défiance à l’égard de l’hôpital. Contre l’avis de l’hôpital, les époux Beardmore avaient fait faire une autopsie avant l’enterrement du bébé. « On nous disait qu’il fallait le laisser partir en paix… » Une autopsie qui s’est pourtant révélée cruciale pour la suite, quand les Beardmore ont choisi d’engager un avocat pour porter l’affaire en justice.
« On a tenu grâce à notre fils de deux ans qui avait attendu son frère, aidé à préparer sa chambre. Je pense qu’on se protège pour s’en sortir : c’est un instinct de survie. Pendant ces années de procédure, le plus important était de faire en sorte qu’on aille bien tous les deux », se souvient la jeune mère.
Une première expertise menée par un gynécologue de Thionville, mandaté par le tribunal administratif de Strasbourg, démontre la faute de l’hôpital en soulignant des problèmes d’organisation à la maternité. Les époux Beardmore sont également assistés par un gynécologue parisien re commandé par leur assureur, « un vrai contrepoids ».
Deux ans après le début de la procédure, une seconde expertise est ordonnée par le tribunal afin de vérifier les conclusions de la première. Confiée à un médecin expert des Vosges, elle corrobore les conclusions de la première. « L’hôpital disait qu’à minuit, le bébé allait bien, mais les expertises montrent qu’à 22 h, il allait déjà mal. Même s’il était né à 22 h, il aurait eu d’énormes séquelles. »
Cela conduit le tribunal administratif de Strasbourg à juger l’hôpital Pasteur responsable en novembre 2011 : « La totalité des dommages subis par Émile Beardmore est imputable à la faute dans l’organisation et le fonctionnement du service », en l’occurrence le retard avec lequel la sage-femme avait alerté le médecin de permanence.
En outre, le juge souligne une prise en charge inadaptée d’Elisa Beardmore ayant entraîné un traumatisme corporel, lequel « ne constitue pas, contrairement à ce que soutiennent les Hôpitaux civils de Colmar, un aléa thérapeutique pour une patiente ayant déjà fait l’objet d’une césarienne. »
« Notre victoire est que la responsabilité de l’hôpital soit écrite noir sur blanc. Ça ne ramènera pas le petit, mais cela montre qu’on avait raison de penser qu’il y avait une erreur médicale. » Leur témoignage vaut pour l’exemple et l’écho qu’il rencontrera, souhaitent Elisa et Neil Beardmore : « L’hôpital s’en sort bien, les gens n’attaquent pas car ils ne savent pas qu’ils peuvent le faire. Ils sont surpris qu’on ait fait cette démarche car ils se sentent trop petits face à un hôpital public. »
Plus de six ans après les faits, les époux Beardmore ont « fait leur chemin » : « Grâce à la lenteur de la justice, on n’est pas dans la vengeance comme on pouvait l’être juste après l’accouchement. » Reste, chez Elisa, l’amertume : « Tout est paramétré selon un protocole, ces normes qui font que l’humain ne réagit plus. » Et pour son époux, le cynisme d’une maladresse de la maternité : « On n’a jamais reçu de courrier de condoléances ou d’excuses du directeur de l’hôpital. Mais on nous a remis un formulaire de satisfaction à remplir… »
( Source 'Alsace par Anne Vouaux )
Le Parc, la maternité de l’hôpital Pasteur à Colmar. Photo Hervé Kielwasser |
Admise le 27 août 2005 à l’hôpital après la rupture de la poche des eaux, Elisa Beardmore n’a donné naissance à un fils par césarienne que le 29 août à 0 h 40. « Avec la première sage-femme, tout s’était très bien passé. En partant à 20 h, elle m’avait assuré que tout allait bien et que le bébé serait bientôt là. Mais à l’arrivée de sa remplaçante, j’ai éprouvé un malaise, un changement d’atmosphère », se souvient Elisa Beardmore. Le bébé tarde à venir, la parturiente « sent » un problème, mais il faut attendre passé minuit pour que la sage-femme se décide enfin à alerter le médecin qui déclenche l’accouchement. Le bébé, Émile, décède trois jours plus tard.
« Un mois plus tard, lors d’un debriefing à l’hôpital avec le chef de service, on nous a dit qu’il n’y avait pas eu de problème. Pour l’hôpital, c’était un accident de parcours », encaisse Elisa Beardmore. Son mari a bien essayé de rencontrer la sage-femme en charge de son épouse peu avant l’accouchement, « pour essayer de comprendre pourquoi elle n’avait pas voulu alerter le médecin plus tôt », mais en vain.
Très bien encadrés par le psychologue de l’hôpital, tiennent-ils à souligner, les époux Beardmore ont également été soutenus par leurs proches. Selon un médecin de sa famille, la jeune femme était restée en travail trop longtemps, ce qui confirmait son sentiment de défiance à l’égard de l’hôpital. Contre l’avis de l’hôpital, les époux Beardmore avaient fait faire une autopsie avant l’enterrement du bébé. « On nous disait qu’il fallait le laisser partir en paix… » Une autopsie qui s’est pourtant révélée cruciale pour la suite, quand les Beardmore ont choisi d’engager un avocat pour porter l’affaire en justice.
« On a tenu grâce à notre fils de deux ans qui avait attendu son frère, aidé à préparer sa chambre. Je pense qu’on se protège pour s’en sortir : c’est un instinct de survie. Pendant ces années de procédure, le plus important était de faire en sorte qu’on aille bien tous les deux », se souvient la jeune mère.
Une première expertise menée par un gynécologue de Thionville, mandaté par le tribunal administratif de Strasbourg, démontre la faute de l’hôpital en soulignant des problèmes d’organisation à la maternité. Les époux Beardmore sont également assistés par un gynécologue parisien re commandé par leur assureur, « un vrai contrepoids ».
Deux ans après le début de la procédure, une seconde expertise est ordonnée par le tribunal afin de vérifier les conclusions de la première. Confiée à un médecin expert des Vosges, elle corrobore les conclusions de la première. « L’hôpital disait qu’à minuit, le bébé allait bien, mais les expertises montrent qu’à 22 h, il allait déjà mal. Même s’il était né à 22 h, il aurait eu d’énormes séquelles. »
Cela conduit le tribunal administratif de Strasbourg à juger l’hôpital Pasteur responsable en novembre 2011 : « La totalité des dommages subis par Émile Beardmore est imputable à la faute dans l’organisation et le fonctionnement du service », en l’occurrence le retard avec lequel la sage-femme avait alerté le médecin de permanence.
En outre, le juge souligne une prise en charge inadaptée d’Elisa Beardmore ayant entraîné un traumatisme corporel, lequel « ne constitue pas, contrairement à ce que soutiennent les Hôpitaux civils de Colmar, un aléa thérapeutique pour une patiente ayant déjà fait l’objet d’une césarienne. »
« Notre victoire est que la responsabilité de l’hôpital soit écrite noir sur blanc. Ça ne ramènera pas le petit, mais cela montre qu’on avait raison de penser qu’il y avait une erreur médicale. » Leur témoignage vaut pour l’exemple et l’écho qu’il rencontrera, souhaitent Elisa et Neil Beardmore : « L’hôpital s’en sort bien, les gens n’attaquent pas car ils ne savent pas qu’ils peuvent le faire. Ils sont surpris qu’on ait fait cette démarche car ils se sentent trop petits face à un hôpital public. »
Plus de six ans après les faits, les époux Beardmore ont « fait leur chemin » : « Grâce à la lenteur de la justice, on n’est pas dans la vengeance comme on pouvait l’être juste après l’accouchement. » Reste, chez Elisa, l’amertume : « Tout est paramétré selon un protocole, ces normes qui font que l’humain ne réagit plus. » Et pour son époux, le cynisme d’une maladresse de la maternité : « On n’a jamais reçu de courrier de condoléances ou d’excuses du directeur de l’hôpital. Mais on nous a remis un formulaire de satisfaction à remplir… »
( Source 'Alsace par Anne Vouaux )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire