Il a quitté le Florival il y a près de 50 ans pour une aventure artistique incertaine. Le peintre originaire de Buhl est installé à New York et expose aujourd’hui dans le monde entier. De Milan au Nouveau-Mexique en passant par Séoul et Strasbourg jusqu’au 7 janvier. Rencontre avec Jean-Marie Haesslé, un dimanche pluvieux à la galerie Chantal Bamberger.
« New York c’est ma ville dont j’ai partagé les joies, les angoisses et les drames. Le 11-Septembre, j’ai été Américain ! », souligne Jean-Marie Haesslé. PHOTOS DNA-b.fz. |
Des débuts aux MDPA
Une histoire qui débute dans le Florival à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et voit s’enchaîner une enfance à Buhl, un apprentissage sans passion au métier d’ajusteur aux MDPA puis à 17 ans, comme un discret coup de pouce d’un destin improbable, un long séjour à l’hôpital Pasteur de Colmar. « Lors d’une de ses visites avec mes parents, mon frère m’a offert un petit livre sur l’impressionnisme ; ce n’était pas un de ces beaux et gros ouvrages luxueux comme on sait les faire aujourd’hui, mais pour moi ce jour a radicalement changé le cours de ma vie. Je ne savais pas dessiner, je ne connaissais rien aux techniques et encore moins à l’histoire de la peinture, mais très prétentieusement j’ai annoncé : « C’est ça que je veux faire, peindre et vivre de la peinture. » A l’ajustage se substitue le dessin industriel, les pinceaux et les premières toiles apparaissent dans l’environnement d’un parfait autodidacte qui copie Cézanne et Gauguin pour se faire la main, mais qui avoue « être allé dans bien des impasses techniques. J’aurai dû demander de l’aide, des conseils, mais ce n’était pas mon caractère. Aujourd’hui encore j’ai le sentiment d’être alors passé à côté de quelque chose, d’avoir oublié d’apprendre à dessiner ! »
Il débarque à New York avec 200$ en poche
Jean-Marie Haesslé a quitté la France en 1967 pour s’installer à New York et y faire carrière .. PHOTO DNA-b.fz. |
Premier boulot dans une maison de disques
Il se souvient d’une ambiance géniale et « d’un boulot passionnant qui m’a fait rencontrer aussi bien Janis Joplin dont j’ai réalisé la pochette du premier disque “Cheap Thrills “(avec Big Brother and the Holding Company) avec un dessin de Robert Crumb, et Leonard Cohen débutant… que le flûtiste Jean-Pierre Rampal qui s’amusait à railler mon américain prononcé avec l’accent alsacien… que j’ai toujours un peu, 40 ans plus tard ! Il semble qu’à cette période Tomi Ungerer ait travaillé dans le même immeuble que moi, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés. […] Rapidement, je me suis installé à Greenwich Village, dans un immeuble d’artistes, mais je n’arrivais pas à adopter la ville. En 69, je suis revenu un temps à Paris, et j’ai eu un choc en retrouvant, comme si je ne les avais jamais quittés, les mêmes gens, aux mêmes endroits, parlant des mêmes choses… J’ai tout d’un coup compris que là où l’histoire artistique était en train de s’écrire, là où la création était en marche, c’était à NY. Et c’est devenu ma ville ! J’ai commencé à bien vendre quelques toiles et en 75, pour une somme relativement modique, j’ai acheté, comme d’autres artistes, un atelier de 240m² avec quatre mètres de plafond dans un immeuble à Soho ; aujourd’hui, vu le prix atteint par le foncier à Manhattan, c’est une chose qui me serait impossible ! Depuis 1978 je me consacre exclusivement à la peinture. »
Un atelier dans Soho
Durant cette période des années 70 où New York a réellement conquis le titre de capitale de la création, Jean-Marie Haesslé a tissé des liens artistiques et personnels forts avec bien des personnalités aujourd’hui quasi panthéonisées, « notamment avec Louise Bourgeois, qui était alors une artiste pour artiste, une créatrice étonnante mais alors peu connue du grand public. Mais la rencontre la plus importante reste sans conteste celle avec Bernar Venet (auquel on doit notamment l’immense sculpture “serpentin “en fer de la place de Bordeaux à Strasbourg, ndlr), une amitié toujours d’actualité. Un type très fort, foisonnant d’idées et de projets, qui au bout d’une heure de discussion me donne envie de me précipiter à l’atelier et de me jeter dans la création. »
Depuis plus de trente ans, la vie du peintre alterne période de création intense et quasi solitaire dans l’atelier au cœur du quartier le plus « in » de la Grosse pomme, et confrontation de son travail avec l’œil des critiques et des acheteurs (la côte de JHM atteint 40 000 € pour une grande toile). Plus d’une centaine d’expositions dans le monde entier, une présence dans nombre de collections publiques et privées, deux grandes rétrospectives en préparation (Séoul et Long Island) pour 2012… Le travail récent qu’il donne à voir chez Chantal Bamberger à Strasbourg (DNA-Reflets du 10 décembre) est comme un aboutissement de quarante ans de création : non figuratif, éclatant d’énergie et de lumière, foisonnant de couleurs et pourtant presque monochrome, joyeux et aérien… et toujours un peu sous influence impressionniste !
Citoyen américain depuis mars
Après avoir repoussé sans cesse l’évidence, Jean-Marie Haesslé s’est « enfin » décidé à sauter le pas. Depuis le mois de mars, il est officiellement de nationalité américaine… tout en conservant la française d’origine. « Il était finalement logique que ma civilité soit en adéquation avec ma localisation artistique, avec l’environnement qui nourrit ma création. Une ville, un pays, dont j’ai partagé les joies, les angoisses et les drames. Le 11-Septembre 2001, j’ai été Américain ! »
Jean-Marie Haesslé expose ses toiles à la galerie Chantal Bamberger, 16 rue du 22 novembre à Strasbourg, jusqu’au 7 janvier 2012 ; de 14h à 19h, du mardi au samedi. Renseignements au ? 06.10.26.12.52.
( Source D N A par b.fz. )
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