Molshémien d’origine, Buhlois d’adoption,
l’Alsacien Jérôme Clementz parcourt la planète à VTT. Une voie qu’il a
lui-même tracée parmi les pionniers du monde spécialisé de l’Enduro,
avec un esprit très nature. Et surtout en professionnel depuis 2008.
Atypique !
 |
Jérôme Clementz aime s’adapter à tous les terrains de la planète comme
ici sur la terre volcanique d’Islande ou dans les étendues sauvages de
Nouvelle-Zélande (ci-dessus). Photos Jérémie Reuiller |
Qu’un vététiste veuille sortir des sentiers battus du cross-country,
discipline olympique, ou de la descente, quoi de plus normal. Mais de là
à réussir à en faire son métier, il y a de nombreux tours de roue à
accomplir. Eh bien, Jérôme Clementz a transformé sa philosophie de vie
en métier en 2005. À 28 ans aujourd’hui, l’Alsacien œuvre non seulement
pour Cannondale, fabriquant de cycles, mais également pour SRAM (groupes
et transmissions) et Mavic (roues). Et le bureau du Bas-Rhinois
d’origine, aujourd’hui établi à Buhl dans le Haut-Rhin, c’est tout
simplement… la planète.
Ce statut privilégié, Jérôme Clementz ne
le doit qu’à lui-même, à sa volonté d’élargir ses horizons vers une
discipline non officielle, l’Enduro (lire ci-dessous), à une époque où
c’était marginal. « Je n’étais pas le tout premier mais un des premiers
à m’investir dans l’Enduro pour figurer aujourd’hui dans les cinq
meilleurs mondiaux. J’ai fait ce qui me plaisait, plutôt que de rester
dans un cadre défini. J’ai emprunté d’autres chemins qui, eux, me
faisaient rêver ».
La nature a toujours attiré le Molshémien, mais
le VTT n’était pas sa discipline de prédilection lors de ses débuts
sportifs à l’âge de 11 ans. « Il y avait deux sections au Molsheim Fun
Bike, où je suis toujours licencié : une de ski nordique et l’autre de
vélo. Pendant six ans, j’ai fait les deux avant de choisir en juniors ».
Le choix fut cornélien pour Jérôme Clementz, quatrième du championnat
de France cadet de biathlon. S’il a opté pour le VTT, descente et
cross-country, c’est parce qu’il avait accroché deux fois le Trophée
régional du jeune vététiste avec le comité régional.
Sa
spécialisation l’a amené à faire partie de l’équipe de France pour
pointer au dixième rang des championnats du monde de descente juniors en
2002. Un statut qui ne le contentait pas. « Dès les cadets, j’avais du
mal à choisir entre la descente et le cross-country. J’ai pris le
départ de la Mégavalanche au sommet du glacier du Pic Blanc à l’Alpe
d’Huez… »
C’est le coup de foudre. Prendre de l’altitude, à 3300
mètres, pour cette descente marathon élargit les horizons du jeune
Clementz, qui voit sa carrière définitivement changer en 2003. « Je me
suis fracturé le scaphoïde lors de cette première année seniors, deux
fois de suite. À la fin de cette année-là se sont montées l’Enduro
Series et la Maxiavalanche, qui représentaient un bon mix avec des
valeurs qui me correspondaient. Avec une dimension de voyage et de
découverte propre à la discipline. »
En 2005, l’Alsacien gagne
pour la première fois la Mégavalanche, à 21 ans. Ce succès lui ouvre les
portes du professionnalisme. « J’ai franchi le pas chez MBK avec une
partie course et une autre de développement ». L’année suivante, Jérôme
Clementz partage son temps entre études dans la filière sport STAPS et
le VTT. Au fil de ses sorties, l’Alsacien acquiert un tel statut qu’une
opportunité se présente en 2008. « Grâce à Cannondale, je suis devenu
vraiment pro à temps plein sur le vélo. »
S’il ne passe pas ses
jours et ses nuits avec cette petite reine qui lui a permis de
rencontrer son amie Pauline Dieffenthaler, celui que l’on surnomme « le
Jey » cogite autant qu’il teste les produits.
« Grâce à mon expérience,
on peut modifier un détail de la géométrie, comme sur le nouveau vélo
Cannondale. Les projets sont finalisés au minimum en deux ans. La
plupart du temps, je fais des compétitions avec des vélos de stock. Pour
les prototypes, les curieux doivent venir me voir à l’entraînement, où
il m’arrive aussi de tester plusieurs paires de chaussures embarquées
dans un sac à dos ». Jérôme Clementz assure aussi la communication
régulièrement avec la presse spécialisée
Son savoir-faire lui permet d’élargir ses
commanditaires, de Mavic à SRAM. Outre les essais, Jérôme Clementz ouvre
de nouvelles pistes comme privilégier un seul plateau à l’avant avec le
nouveau groupe de 11 vitesses de SRAM à l’arrière. « C’est plus
simple, plus efficace et plus fiable ! » Une évolution technique testée
et approuvée, avec une victoire à la clé cet été à Whistler au Canada.
Tous
les terrains sont propices à des évolutions. Il y a une semaine,
l’Alsacien était au Chili. « Je suis allé dans beaucoup de beaux pays
avec des sentiers magnifiques un peu partout et c’est difficile de
choisir un préféré. Si on doit avoir une appréciation globale, la
Nouvelle-Zélande est vraiment sympa (photo ci-dessus). Déjà, c’est
l’été là-bas quand c’est l’hiver ici. Et c’est encore très sauvage, si
l’on excepte peut-être le bord de mer. Mais il y a de grands espaces et
c’est assez magique. Il y a une culture très tournée vers l’outdoor ».
Cet
anglicisme traduit bien l’évolution du personnage : « À l’école, je
n’étais pas très attentif aux cours d’anglais. Maintenant, j’arrive à me
faire comprendre ». Parfois il joint le geste à la parole, comme en
2011 au Cap Vert, lorsqu’avec onze autres « riders », il décide de
mettre ses vélos aux enchères pour favoriser l’accès des enfants aux
écoles.
S’il pilote tout autour de la planète, Jérôme Clementz
n’en reste pas moins attaché à son massif vosgien, où il a créé l’Elsass
Enduro Tour en 2009. Une formule de quatre courses, dont pourrait
s’inspirer en 2013 un challenge au niveau international, là encore de
manière privée (l’Union cycliste internationale a renoncé à mettre sur
pied une Coupe du monde). Dans la tête du « Jey », les idées
bouillonnent. « Pauline a rejoint ma société pour reprendre la
compétition du Bluegrass Enduro Tour. Les gens sont aussi demandeurs de
voyages à mettre en place. Et on a d’autres projets qui verront le jour
d’ici trois ans ».
L’Enduro attire de plus en plus de
compétiteurs, aguichés par ce compromis entre sport et nature. « Et la
relève arrive avec l’Alsacien Nicolas Lau, pilote Cube, qui commence
déjà à nous titiller, Rémy Absalon et moi », sourit-il.
Il reste
que la médiatisation de la discipline demeure toujours en marge du
cyclisme traditionnel. « Dans le VTT, on est bien mis en avant par les
marques dans le monde, car l’Enduro devient une discipline phare avec de
plus en plus de pratiquants, tempère « le Jey ». Mais comme ce n’est
pas officiel, on n’a pas le ‘’bling-bling’’ comme les JO. Les gens de
l’Enduro sont plus tournés vers la nature que la notoriété à la Voeckler
! C’est encore une discipline jeune et ce n’est pas facile pour tout le
monde, avec seulement les dix premiers mondiaux qui en vivent
correctement ». Le pionnier alsacien en fait donc partie. « Je n’ai pas
à me plaindre », lâche-t-il pudiquement.
L’Alsacien se réjouit
que le peloton des enduristes continue de grossir. « Quand nous avons
débroussaillé les chemins, nous étions les seuls en Europe. Maintenant,
d’autres pays suivent. Ça montre qu’on n’est pas complètement des
illuminés ».
À l’évidence, l’Enduro dispose en Jérôme Clementz d’un ambassadeur hors pair à la hauteur de son professionnalisme.
( Source L'Alsace
par Gilles Legeard
)